Dimanche 10 juin 2018, sur la chaîne de télévision "ARTE" une intéressante rétrospective sur le peintre Bernard Buffet, "le grand dérangeur", m'a rappelé une de mes grandes colères.
Maurice Garnier désirait léguer à la ville de Rouen sept toiles majeures du cycle "Jeanne D'arc", et après bien des difficultés, c'est en 1997 qu'elles furent exposées dans la Salle des Procureurs du Palais de Justice. Avec mon épouse, nous fûmes des 12000 visiteurs. Ce fut pour moi un choc inoubliable !
Les Voix |
C'est absolument incroyable et ahurissant que Rouen soit passé à côté de ce legs !
Il faut dire que Bernard Buffet n'avait déjà plus la cote parmi les critiques d'art dont l'un dit même : "on ne peut pas aimer l'art figuratif en même temps que l'art abstrait." Cela me fait bondir, ce sont des propos d'une bêtise affligeante d'absurdité pseudo intellectuelle !
Le Procès |
On peut ne pas aimer la singularité du graphisme de Bernard Buffet dont on reconnaît la facture dès le premier coup d'oeil. On peut se fermer devant cette expression austère pleine d'angoisse qui nous renvoie aux difficultés de notre temps. On peut frémir devant cette lumière blafarde propre à cet artiste qui ose même mettre même en scène sa signature. On peut en un mot ne pas ressentir son oeuvre. On peut aussi reprocher à l'artiste d'avoir fait marcher la rotative des billets de banques, certes ! Peut-être que ses premières oeuvres étaient-elles plus intéressantes que les dernières ?
Mais tout au moins faut-il le reconnaître comme un des très grands artistes du XX° siècle qui a su exploiter le pouvoir expressif du trait comme nul autre.
Mais tout au moins faut-il le reconnaître comme un des très grands artistes du XX° siècle qui a su exploiter le pouvoir expressif du trait comme nul autre.
Le Bûcher |
Les sept compositions magistrales sur Jeanne d'ARC, sont admirables. Elles relatent les grandes étapes de l'épopée de l'héroïne partant des "Voix" jusqu'au "Bûcher" et je dois reconnaître que mes préjugés volèrent en éclats car je compris pourquoi les japonnais placent Bernard Buffet au sommet de leur admiration. Ils le comprennent mieux que nous car ils supportent mieux le concept de la mort. Bernard Buffet, sans tomber dans le piège de l'allégorie populaire, sait discerner chez Jeanne d'Arc une vocation inspirée, donc une spiritualité simple mais profondément honnête, une volonté d'agir au service d'une cause, un engagement total, une force de caractère inaltérable, une intelligence et une logique renversantes et un destin héroïque qui marque l'Histoire. Bernard Buffet rend à Jeanne d'Arc une "parole" qui me parle car il lui rend son humanité dépouillée des images d'Epinal car il est au coeur du mystère du personnage. Je suis donc en totale contradiction avec des critiques d'art qui dénoncent les "Jeanne d'Arc" de Bernard Buffet comme une allégorie sans âme tombant dans le piège de l'image d'Epinal. Je reproche à ces critiques d'art de tomber dans les puits sans fond des phénomènes de modes. Bernard Buffet était hanté par une angoisse existentielle qu'il exprime dans ses tableaux. Il est resté fidèle à l'expression figurative car il était hermétiquement fermé à l'abstraction. C'est impardonnable pour les critiques d'art qui, comme les journalistes, ont besoin de scandales pour vendre leurs articles. Personnellement j'aime tous les modes d'expression artistiques. Peu m'importe le figuratif ou l'abstrait ! Ce que je demande c'est qu'une oeuvre d'art me parle, m'interpelle, me séduise et m'obsède... En un mot, ressentir est mon seul critère.
Cet artiste sait charnellement que toute vie est en face de sa mort inévitable : tel ses clowns, je ressens l'autoportrait de ma propre vie qui sait que la fin arrive. La visualiser, via Bernard Buffet, me la fait contempler avec le sourire même si son clown est d'une tristesse pathétique. J'aime la vie, mais la mort étend son ombre et elle ne me fait pas peur. Je ne me suiciderai pas comme Buffet ou comme Van Gogh car je ne finirai pas d'accomplir ma vie car il y a toujours un après... Van Gogh comme Buffet crurent aller au bout du bout de leur expression et pour eux l'angoisse de l'après fut sans doute insupportable d'où peut-être leur mort choisie.
Quant-à moi, c'est le présent face à cet après qui me fascine et me fait peindre, écrire, agir au milieu des personnes de mon entourage que j'aime et qui me sont indispensables. Peu importe, si la plupart d'entre-elles ignorent mes modes d'expression, ce qui compte c'est la relation sociale qu'elles me permettent. Parmi mes relations, c'est un tout petit nombre qui s'intéresse à mes productions artistiques mais, via ce site, ce cercle d'intimes s'élargit et me motive car ce sont entre 400 et 700 connexions mensuelles par environ 200 internautes qui confirment l'intérêt d'une "politique" de communication avec le public.
Là où je rejoins Van Gogh et Buffet c'est sur la conscience aiguë que je peints et écrits pour conjurer la mort : à 76 ans je mets des bouchées doubles pour ne laisser aucune place aux temps morts ; la conscience de la mort me fait vivre intensément et mes projets se concrétisent au jour le jour dans l'action et la communication. Je reconnais donc une bonne dose de narcissisme dans cette attitude.
Cet artiste sait charnellement que toute vie est en face de sa mort inévitable : tel ses clowns, je ressens l'autoportrait de ma propre vie qui sait que la fin arrive. La visualiser, via Bernard Buffet, me la fait contempler avec le sourire même si son clown est d'une tristesse pathétique. J'aime la vie, mais la mort étend son ombre et elle ne me fait pas peur. Je ne me suiciderai pas comme Buffet ou comme Van Gogh car je ne finirai pas d'accomplir ma vie car il y a toujours un après... Van Gogh comme Buffet crurent aller au bout du bout de leur expression et pour eux l'angoisse de l'après fut sans doute insupportable d'où peut-être leur mort choisie.
Quant-à moi, c'est le présent face à cet après qui me fascine et me fait peindre, écrire, agir au milieu des personnes de mon entourage que j'aime et qui me sont indispensables. Peu importe, si la plupart d'entre-elles ignorent mes modes d'expression, ce qui compte c'est la relation sociale qu'elles me permettent. Parmi mes relations, c'est un tout petit nombre qui s'intéresse à mes productions artistiques mais, via ce site, ce cercle d'intimes s'élargit et me motive car ce sont entre 400 et 700 connexions mensuelles par environ 200 internautes qui confirment l'intérêt d'une "politique" de communication avec le public.
Là où je rejoins Van Gogh et Buffet c'est sur la conscience aiguë que je peints et écrits pour conjurer la mort : à 76 ans je mets des bouchées doubles pour ne laisser aucune place aux temps morts ; la conscience de la mort me fait vivre intensément et mes projets se concrétisent au jour le jour dans l'action et la communication. Je reconnais donc une bonne dose de narcissisme dans cette attitude.
Si en 1997, il y a vingt ans, ma colère que Rouen manque son rendez-vous avec Bernard Buffet en n'accueillant pas ces sept toiles magistrales est toujours actuelle, j'éprouve le besoin de dire que cela n'est pas à son honneur. Cette ville admirable de par son histoire, ses monuments, ses musées artistiques, son port ouvert sur le monde, méritait que Jeanne d'Arc y soit magnifiée par cet artiste qui ne peignait pas pour ne rien dire.