dimanche 13 juin 2021

L'AMANT DE LADY CHATTERLET

 

- Richard Madden et Holliday Grainger-

C'est un téléfilm de Jed Mercurio ( 2015) que diffusait ce soir la chaîne de télévision canal 25. 

Ce roman que j'ai lu et relu en cachette, car interdit par la censure maternelle, à la fin de mon adolescence, a beaucoup compté pour découvrir la littérature en m'ouvrant la porte sur l'imaginaire et sur le mystère féminin.

L'érotisme qui se dégage de ce chef d'œuvre est suggéré et non montré et c'est qui fait tout l'intérêt de ce rêve inaccessible pour le grand benêt que j'étais alors, quelque peu castré par une éducation des non -dits pratiquée par ma mère qui voulait protéger ses enfants des pulsions impures.

 Elle a loupé son coup car il s'en est fallu de peu pour que je devienne un obsédé sexuel. Il m'a fallu tout bousculer pour découvrir la merveille d'une femme qui me reconstruisit un équilibre dans l'amour.

Pour une fois, une œuvre filmée de trahit pas l'auteur du livre et j'ai retrouvé toute l'époque de mes grands parents, la subtilité émouvante des souffrances de Sir Clifford, revenu paralysé et impuissant de la guerre 14-18. Son épouse Constance, vive et charnelle ne supportant pas la frustration et ce changement dans l'intimité du couple. Elle a besoin d'un homme qui bande et elle le trouve dans le garde-chasse de son mari. 

Triple humiliations : Sir Clifford traite en domestique méprisé celui qui l'aide, son garde-chasse ne supporte pas l'affront de n'être que corvéable à merci, la jeune femme ne peut tolérer que l'image du père de l'enfant à naître soit bafouée par un aristocrate qui se croit de la race des maîtres malgré sa dépendance.

Cette mise en scène des clivages sociaux du début du XX° siècle fut très révélatrice pour l'apprenti bourgeois que j'étais et que je ne suis heureusement pas devenu malgré tous les préjugés dont je ne me suis pas débarrassés.

Le dieu des corps devient le dieu de la passion amoureuse dépassant tous les obstacles culturels et sociaux pour devenir le dieu de l'âme d'une femme et d'un homme s'aimant et s'enfuyant vers la liberté de vivre.

Contrairement aux critiques littéraires, à la censure morale et à ma mère, je ne trouve pas le livre écrit par D.H. LAWRENCE en 1928, soit sulfureux; il est tout simplement  humain. Je le relirais avec plaisir.

C'est histoire dramatique de l'hypocrisie sociale  et  de la rencontre amoureuse  d'une femme et d'un homme faits de chairs et d'émotions.

La publication de ce livre avait provoqué un scandale en raison des scènes et du vocabulaire considérés comme obscènes par les bien-pensants particulièrement choqués du fait qu'un aristocrate aime un ouvrier. 

La censure de l'Eglise exerçait encore une forte pression morale qu'il n'était pas question que ma famille passe outre. 

Je me souviens des interdits verrouillés par les films "Et Dieu créa la femme", "La Religieuse", "Emmanuelle", "L'Amant", "Un homme et une femme", etc.

La frontière entre l'empire des sens qui cimente les liens entre un homme et une femme n'ont rien à voir avec l'outrage aux mœurs : autant l'érotisme que j'aime me semble vital, autant la pornographie me semble dégradante et détestable.

Les déviances sexuelles ne sont pas mon truc. Je déteste la vulgarité de la pornographie d'un Guillaume Apollinaire, de Sade, de Jean Cocteau, d'André Gide, de Marcel Proust, d'Oscar  Wilde, de Jean-Paul Sartre, de Jean Genets. Ce sont peut être de grands écrivains mais ils m'ennuient quand leurs personnages ne sont plus que des objets livrés à leurs déviances fantasmatiques. Ils revendiquent une liberté sexuelle qui n'est que perverse. Où est donc ce mystère de l'amour partagé ?

 Les réactions de mes parents; face à la littérature et au cinéma, révèlent toute l'hypocrisie de leurs ressentis : ma mère outrée sans avoir vus les films et mon père plus ambiguë, opposé par devoir chrétien mais s'empressant d'acheter son ticket pour les voir ou les lire. 

Enfin j'ai la preuve que mes parents aimaient "bricoler" sous leurs draps et cela me rassure. Sans la sexualité, la sensualité je n'aurais jamais vu le jour. C'est aussi une histoire de peaux.

C'est dans ce contexte que mon amour de la littérature m'a dévoré ; j'aime les romans faits de sang, de chairs, de doutes et de rencontres improbables.