jeudi 10 décembre 2020

A PROPOS DE L'ART NAÏF

 Au milieu du XIX° Siècle la peinture de style naïf était méprisée et qualifiée de maladroite puisque pratiquée par des autodidactes.

Ces peintres "du dimanche" n'avait aucune formation académique et traitaient des sujets populaires figuratifs sans perspective ou plutôt avec une mise en scène mentale sans référence avec la distance mais très signifiante comme les représentations du Moyen-Âge. 

Essentiellement imaginaire, le style naïf donne l'impression d'une innocence, d'un dépaysement, d'un regard intérieur à première vue enfantin. Mais en réalité, il n'en n'est rien  puisque l'artiste, la plupart du temps est un adulte, qui traduit ses ressentis "à l'état brut".

Je peins souvent en compagnie de ma très douée petite-fille, Albane,  9 ans. Si nos sujets sont les mêmes (Girafes, poissons, bateaux, paysages, chats, ...) les compositions n'obéissent évidemment pas aux lois de la perspective avec la grandeur des éléments proportionnelle à la distance, à l'atténuation des couleurs pour la profondeur. Nous sommes à égalité sur ce plan. 

Mais ma petite-fille n'a pas le souci de choisir des couleurs en harmonie globale. Elles les choisit un peu par hasard suivant sont "instinct". 

Quant-à moi, je tâtonne beaucoup en cherchant mentalement un équilibre. A chaque coup de pinceau j'imagine le suivant. 

Ma petite-fille ne se prend pas la tête alors que je réfléchis, j'essaie, j'évalue et j'hésite.  

Comparer la peinture naïve d'un adulte à la création spontanée d'un enfant est à mon sens une erreur culturelle, car rien n'est simple chez les grands artistes comme Henri Rousseau (1844-1910); Séraphine de Senlis (1864-1942), André Bauchant (1873-1958), Camille Bomdois (1883-1970), Louis Vivin ( 1861-1936), René Rimbert  (1896-1991), pour ne citer que ceux là.

Henri Rousseau dit le Douanier : "Moi-Même" (1890)

Séraphine de Senlis : "Chambre Claire" 

Dominique Peyronnet

L'art naïf est mentalement complexe, techniquement difficile, esthétiquement soigné, visuellement interpellant, émotionnellement affectif.

Quand je peins naïf, je sens monter en moi toutes les forces ambivalentes de ma personnalité. Je dois alors accepter les contradictions, les instabilités, les violences, les doutes que j'essaie de refouler dans "ma vie sociale" ordinaire. Ce qui compte c'est de les transposer dans une joie de vivre exprimée dans des couleurs vives. Le spectateur ne peut pas deviner que la composition "joyeuse" qu'il voit et reçoit est sous tendue par cette lutte intérieure. Il ne doit percevoir que le plaisir de la vie. 

Voila le sens de ma peinture naïve.