mardi 13 février 2018

Pardon Victor Hugo !

Cet exercice d'atelier me fut proposé par André Le Noir. Il s'agissait de copier le portrait de Victor Hugo à partir d'une vieille photographie en noir et blanc. Il fallait donc inventer la couleur de la peau tout en respectant le modèle.


Je critique souvent mes petits camarades d'atelier de ne pas peindre globalement leur composition en prévoyant assez de couleurs pour diffuser leurs touches qui devraient se renvoyer les unes aux autres la lumière sur l'ensemble de leur composition. 
Hé bien, je suis tombé dans le même piège aboutissant à un déséquilibre entre la couleur de la peau du visage et de celle de la main que j'ai eu beaucoup de mal à rattraper. 
La veste de Victor Hugo fut un vrai défi et je m'en suis tiré en repassant du pastel noir pour unifier l'effet du tissus. Je ne suis que très moyennement satisfait du résultat final. On peut vraiment mieux faire ! "Mais Jean Louis n'est qu'un apprenti !"

Je n'ai jamais aimé apprendre par coeur les poèmes du plus illustre écrivain français dont j'ai quand même lu "Les misérables". 
Pour moi, la poésie doit être écoutée comme de la musique et non être lue comme un roman. J'ai donc toujours trouvé absurde que mes professeurs de français m'imposent un poème à apprendre par coeur et cette exigence a faussé ma sensibilité. 
Un petit subterfuge me permettait cependant de donner une illusion culturelle en sélectionnant quelques citations pour m'en tirer pas trop mal dans les dissertations. En fait je suis ignare sur ce plan "Ce que je sais, c'est que je ne sais rien" (Socrate). 

Alors en réalisant ce portrait je me demande ce que je vais en faire car l'accrocher chez moi serait vraiment une escroquerie intellectuelle... "Pour un hypocrite être démasqué est un échec, mais se démasquer est une victoire", dit Victor Hugo dans les "Travailleurs de la mer" ... 
Je me démasque donc : pardon Victor Hugo !

Pourtant je l'ai souvent cité lors de célébrations pour des funérailles car une assemblée est toujours sensible à cette célèbre et belle phrase :  "Les morts sont les invisibles, mais ils ne sont pas les absents." prononcée sur la tombe d'Emilie Putron le 19 janvier 1865 dans le cimetière des indépendants à Guernesey pendant son exil.


Et puis quand même ! Comment n'être pas touché par l'homme qui se recueille sur la tombe de sa fille, Léopoldine, tendrement chérie morte noyée à Villequier à cause d'un voilier  lesté de grosses pierres mal amarrées pour l'équilibrer. Une rafale fit basculées les pierres sur le même bord et le voilier chavira. Contrairement à ce qui se dit, ce n'est pas le mascaret qui est en cause dans ce drame épouvantable qui bouleversa Victor Hugo. Le destin tragique de Léopoldine est sans doute à relier à l'inspiration pour "Les Contemplations" dans lesquelles le poète sublime la douleur de l'absence :


Demain dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées ;
Sans rien voir au-dehors, sans entendre aucun bruit, 
Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

Je ne regardera ni l'or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur
Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

(3 septembre 1847, Les Contemplations, poème XIV)

Enfin, Victor Hugo était un très bon dessinateur et je ne résiste pas au plaisir de mettre en ligne un lavis à l'encre de chine, exposé à Villequier, qui fait penser à "Oceano Nox"...



Victor Hugo peint ce vapeur à roue en très grande difficulté dans une mer démontée ...
Ce dessin pourrait parfaitement illustrer "Les travailleurs de la mer" :

Oh ! combien de marins, combien de capitaines
Qui sont partis joyeux pour des courses lointaines,
Dans ce morne horizon se sont évanouis !
Combien ont disparu, dure et triste fortune !
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l'aveugle océan à jamais enfouis.


Note : La maison de Villequier, sur la rive droite de la Seine à 43 Km de Rouen, est aujourd'hui un musée  départemental consacré à Victor Hugo. Sa visite est intéressante à plus d'un titre. Beaucoup de manuscrits, de dessins de Victor Hugo y sont exposés, mais des tableaux, des meubles et et des bibelots avec la chambre de Léopoldine nous plonge dans l'atmosphère intime d'une maison bourgeoise du XIX° siècle. Cette atmosphère tranquille tranche singulièrement avec l'intérieur très chargé, fantasmatique d'un goût étrange, et même oppressant et de la maison, "Hauteville Housse", de la famille Hugo à Guernesey. 




Ce soir nous avons accroché dans notre entrée mon "Indou", 3ème version, qu'une amie de l'atelier peinture, Marie C.., a gentiment encadré sur mesures car un passe-partout et un cadre du commerce ne mettaient pas en valeur le tableau.

Annick est très satisfaite de mon aquarelle et de l'encadrement. C'est ça pour moi le plus important. 
Merci donc à Marie d'avoir passé beaucoup de temps pour mettre en valeur mon travail. 

Je partage l'estimation de mon professeur, André Le Noir : "ça vient mais encore beaucoup d'étapes difficiles restent à accomplir"...

La prochaine étape sera le portrait d'Annick d'après une photographie de 1972, une année après notre mariage et à la naissance de notre fille , Hélène. Je recommencerai plusieurs fois s'il le faut, mais c'est ce que je veux réaliser et réussir pour symboliser tout simplement notre bonheur toujours partagé.