lundi 12 août 2019

LA VIOLENCE AU CŒUR DE L'ART

Avec mon épouse nous avons visité Nîmes, une très belle ville, avec les célèbres arènes antiques, la tour Magne, la porte d'Auguste, la Maison carrée et bien d'autres trésors.


-Les arènes de Nîmes et la statue de "Nimeño II"-
photo Internet


Sur la grande place de l’amphithéâtre romain nous avons été subjugués par une statue en bronze de Serena Carone représentant  "Nimeño II", un toréador gravement blessé le 10 septembre 1989 et qui se suicida le 25 novembre 1991 ne supportant pas son lourd handicap.
-L'artiste Serena Carone-
Photo Internet


-Hommage à Christian Montcouquiol, dit "Nimeño II"-

Un guide nous expliqua que cet hommage à ce célèbre toréador nîmois, la plus grande figure de la tauromachie française, est régulièrement attaquée à l'acide par de farouches adversaires de la corrida et qu'elle dut être restaurée en 2016. 

Cela appelle à un approfondissement culturel, car cette oeuvre majeure symbolise une tradition, certes sanguinaire, mais profondément ancrée dans l'âme hispanique et de la tradition séculaire du sud-ouest de la France. 

C'est en référence à celle-ci que j'ai peint ces trois taureaux que j'ai voulu symboliquement soupçonneux, interrogatifs et heureux de vivre. Je me pose la question : "Si j'étais un taureau et que l'on me donnait la possibilité de mourir en combattant dans une arène ou pendu par les pattes arrières et égorgé dans un abattoir, quel serait mon choix ? De toute façon mon destin est de finir chez un boucher et dans une assiette pour nourrir le monde."

Il va sans dire que je n'aime pas la violence et la cruauté subies par les animaux et que personnellement je respecte même la vie des insectes, mais il faut réfléchir avant de succomber à la démagogie.

 La corrida ne vaut-elle pas mieux que l'élevage de poulets et de lapins dans des cages ? Ne vaut-elle pas mieux que ces faisans d'élevage relâchés dans une nature qu'ils ne connaissent pas pour de petits chasseurs peu scrupuleux?
J'ai des amis qui sont de vrais chasseurs, rendons leur justice car ils veillent à l'équilibre du nombre d'animaux sauvages  sur un territoire donné : ils en assurent aussi la sauvegarde en leur assurant des points d'eau et éventuellement des compléments alimentaires. Ce sont de véritables écologistes amoureux de la nature.



-Aquarelle avril 2018-


Réfléchissons donc un peu :
Depuis les temps les plus reculés toute société humaine est fondée sur la violence, mais une violence tenue à distance et comme transfigurée dans l'ordre du sacré. La corrida relève de cette tradition devenue laïque codifiée avec ses protocoles de combats entre le taureau et le toréador. 

Les civilisations ont toujours régulé la violence par des sports de compétions ou de combats, dont la corrida, la boxe, le rugby, le football... 

Permettre au peuple d'extérioriser symboliquement sa violence dans une arène ou un stade, c'est la juguler dans des règles sociales. 

François Mauriac, un écrivain chrétien plutôt humaniste, souligne judicieusement qu'un match de football international est le substitut de la guerre car les spectateurs dans les tribunes s'identifient toujours à leur équipe nationale : elle les incarne. 
Il vaut donc mieux que ce public inconditionnel (le peuple) se défoule "oralement" dans un stade que dans l'anarchie incontrôlable des émeutes et les passages à l'acte des casseurs.

Cette statue rappelle en quelque sorte “les sacrifices expiatoires des civilisations antiques dont la fonction permettait de se réconcilier avec les divinités en cas de crise sociale avec l'offrande du sacrifice d'un bouc émissaire" (René Girard ). Ainsi le peuple retrouve son unité et la fierté de son identité nationale dans les grands événements sportifs comme le Tour de France, la Coupe du Monde de Football, les Jeux Olympiques...

Entre-nous, je n'invente rien car je me réfère aux ouvrages de l'anthropologue-philosophe, René Girard, un grand penseur de ce temps, que j'ai lus avec passion (Des choses cachées depuis la fondation du monde aux éditions Bernard Grasset-1979-, La Violence et le Sacré aux éditions Bernard Grasset -1972-)

La société fonctionne toujours ainsi et les opposants à la corrida devraient réfléchir car si la violence n'est pas encadrée, elle expose chez le peuple et devient anarchie.



Cette superbe statue au cœur de tensions culturelles et de débats sans fin sur la violence provoque ma réaction car l'art fait aussi réfléchir. 

Elle sont innombrables les œuvres d'art inspirées par la violence soit pour la dénoncer, soit pour la magnifier, soit pour en maîtriser les pulsions. Rubens, Picasso et bien d'autres artistes en ont témoignée avec des chefs-d'oeuvre.


 HUMOUR ?
-Un antidépresseur pour dames ?-
Photo internet
Pour terminer, les touristes de passage devant cette statue ne manquent pas de lui mettre les mains aux fesses et les font briller. Il faut dire qu'elles sont particulièrement esthétiques, voire érotiques et polies par ces multiples caresses ! 

Mon épouse et moi-même nous-nous sommes abstenus car nous n'avons pas besoin de porte bonheur, caressant seulement ce chef d'oeuvre avec nos yeux.