vendredi 17 janvier 2020

L'ART DE MOURIR



Mon corps fatigué a besoin de quelques fantaisies car j'aime la vie sans avoir peur de mourir bientôt... 

Ce bientôt, j'y pense tous les jours sans angoisse car l'ayant frôlé plusieurs fois, ayant accompagné beaucoup de mes proches dans cette ultime phase de la vie, je ne l'ai pas ressentie comme effrayante. 
Je n'ai aucune certitude métaphysique car tout simplement je ne sais pas ce qui m'attend : le néant ou la lumière ? 

Pourquoi donc être inutilement anxieux et s'encombrer l'esprit de ce que l'on ne peut qu'attendre inéluctablement ?
Alors la première chose que je fais en ouvrant mes volets le matin, c'est de dire merci à la vie et à la chance de la partager avec ceux que j'aime.

Rendre visible l'invisible qui m'habite et qui me fait douter, c'est ce qui me pousse à peindre, dessiner, sculpter et écrire. 

Culturellement l'expression artistique soulève le voile sur quelque chose qui dépasse mon entendement.  



Ici bas je me sens insaisissable car j'habite le présent, mais en traduisant mes émotions picturalement j'habite déjà le royaume des morts car mes compositions resteront dans ma famille, chez mes amis, enfin un certain temps avant d'être oubliées jusqu'à mon nom... Mes créations dites artistiques sont en fait mon art de mourir. Je reconnais que cela manque de modestie et affiche une prétention très narcissique car que suis-je ?

J'évoque souvent avec le sourire cette éventualité de mourir bientôt devant mes amis. Leur réaction est révélatrice de leur angoisse face à cette échéance inévitable. Ils essaient de l'oublier, de la nier, de la repousser loin d'eux mêmes... 


Ils n'apprécient pas du tout mon humour. Pourtant, nous naissons, nous vivons, nous mourons tous et autant le prendre avec philosophie. 



L'auto-portrait de Picasso face à la mort;illustre ce que je ne ressens pas : cette angoisse hallucinée et terrifiante. 
Mais attention ! La mort n'est pas rien car qu'il y a-t-il de plus précieux que de vivre ? 

Ce qui me fait vraiment peur, ce sont la souffrance et la mort de ceux que j'aime. Car n'étant pas du tout dépressif, je ne me considère pas comme le centre de l'univers. Ce sont les autres et ma relation avec eux qui le sont.



Le chef d'oeuvre qui me touche le plus sur ce thème est celui du peintre Théodore Géricault '1791-1824)  avec son "Radeau de la Méduse". La mort y est figurée sans artifice mais avec à l'horizon un navire symbole de l'espérance et du salut pour les naufragés.

Et si je suis un peu artiste à mes heures c'est pour rendre paisible le moment de la vie en lui laissant peut-être une petite trace pour l'avenir.





Marc LAMBRON de l'Académie française dans son "Carnet de bal" page 385, livre une clef de ce que je ressens : "L'art est là pour faire entrevoir que le ciel sera toujours plus grand que nous."